Jazz Magazine Jazzman (Choc Jazz Magazine Jazzman), juillet 2012, n°639
Vincent Cotro
Pour n'avoir pas eu l'occasion d'entendre le quartette sur scène depuis qu'il a rendu compte avec enthousiasme de son précédent opus, Original Pimpant (voir notre n°603), votre serviteur avoue bien volontiers qu'il s'est jeté avec un rien de convoitise et d'excitation sur ce Chien guêpe. Comme c'est le cas depuis les premières traces enregistrées du groupe, ça joue et ça s'amuse dès le choix des titres, et tout autant avec La fantaisie débridée qui gouverne la pochette. Mais l'essentiel est ce qu'on entend, et ce qu'on entend ici est essentiel, fruit de l'évolution (on n'ose parler de maturation, tant cette qualité s'était déjà révélée) d'un véritable groupe. On a envie de raconter dans l'ordre comme on reviendrait de voyage. Dans Dieu m'a brossé les dents, un univers fantomatique se dévoile lentement, épais magma de striures bruitistes traversé de flèches mélodiques entourant un lourd ostinato de quatre notes dans le grave du piano. Après l'accalmie centrale, enfle et s'exaspère lentement une matière sonore irréductiblement collective qui se retire en laissant quelques traces éparses des éléments de départ. Chocolat-citron apporte un fort contraste rythmique par la percussivité sèche et discontinue de tous les instruments. Furtif et laconique, le thème est comme surgi de l'intuition collective de l'instant, avant un développement improvisé ahurissant de groove. Dans la durée, la longue séquence centrale réaffirme lentement mais sûrement, à partir d'un décor "fantastique", la dimension rythmique qui était au départ de la composition. Bonjour Crépi est une pièce plus courte où les effets de rupture et de surprise se révèlent d'autant plus efficaces que les codes de jeu et le matériau s'approchent de conceptions plus familières à l'auditeur de jazz. L'accélération jusqu'au choc final (comme on se fracasserait dans un mur : est-ce le sens caché à donner au titre ?) est d'un effet parfait. Enfin, Chauve et courtois joue sur un tout autre principe de discontinuité où cohabite tout un monde de bruits avec la "ritournelle autiste et mélancolique" de la contrebasse, pour citer le beau texte d'accompagnement de Damien Bertrand, lequel propose à l'auditeur même déjà averti des pistes aussi justes que bien tracées. Vincent Cotro
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