Frédéric Goatty : Les trois principales qualités de votre compositeur-arrangeur, John Hollenbeck ?
Daniel Yvinec : a) La forme : Hollenbeck réfléchit à ce que peut être l'écriture dans le jazz, une question qui me travaille depuis longtemps. Un thème, une brochette de bons solos, du swing, une belle dose d'interaction, et tout le monde, y compris moi, est content, mais il y a d'autres options. Duke Ellington par exemple, qui travaillait sur la forme et qui faisait danser en nourrissant la tête, les jambes et le cœur. Pour moi c'est la marque des très grands, une sorte de graal. b) Le sens du positionnement : je lui ai dit lors de notre première rencontre « il faut accepter l'idée que je serai toujours quelque part au-dessus de ton épaule, qu'on cherchera ensemble, qu'on ne sera pas forcément toujours d'accord ». Il m'a répondu tranquillement : « Tu es producteur. » Il n'y a jamais eu de confusion sur la répartition des rôles, pas une question de hiérarchie bien sûr, mais de dynamique. c) Le travail : sans relâche, un investissement total.
FG : Un morceau dédié à chaque membre de l'orchestre, rien pour le chef : par modestie ?
DY : J'ai fait le choix (de raison) de ne pas jouer dans l'orchestre. Mon travail nécessite une attention de tous les instants, une capacité à écouter intensément et à avoir le recul pour donner des directions précises et stimulantes à la musique et à mon orchestre. Je pense être un meilleur directeur artistique sans instrument entre les mains.
FG : À quelques minutes près, l'intégralité de "Shut Up And Dance" aurait pu tenir sur un seul CD. Pourquoi un double ?
DY : Je rêvais secrètement que la musique ne rentrerait pas sur un seul CD. Deux CD courts, comme deux vinyles, pour le temps de souffler. Cette musique est dense, mérite qu'on lui tourne autour, qu'on y revienne.
FG : Peut-on vraiment danser en écoutant "Shut Up And Dance" ou le titre est-il un clin d'œil au "Dancing ln Vour Head" d'Ornette Coleman ?
DY : J'ai pensé à Omette. Il s'agit de danse au sens de mouvement, d'émotion rythmique, c'est le point de départ de ce disque. Chercher le rythme ailleurs que dans la répartition habituelle des postes d'un orchestre, inverser certaines proportions, voir ce qui anime les corps. Ma fille danse sur tout, alors pourquoi pas nous ?
au micro : Frédéric Goaty
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