Diapason mars 2010 n°578
Gérard Condé
Curieusement, l'organisation de ce double-album invite à commencer l'écoute par le Quatuor n°5 de 2005, puis à remonter le temps jusqu'au Trio de 1980. L’auditeur chemine ainsi du plus tendre au plus âpre, comme dans l'ascension d'une montagne. Sauf que le sommet, ici, est ingrat : ledit Trio porte bien son sous-titre de Musique fugitive car il file comme des nuées d'oiseaux criards, et l'on n'en saisit quelque chose qu'à la fin. Amorçons donc la descente. Le Quatuor n°1 est toujours aussi déchiré mais, avec quatre instruments, l'harmonie peut s'y profiler, et si le langage reste celui des années 1950-1960, il est orienté par une certaine dramaturgie.
Avec le deuxième quatuor, Times Zones (1989), le rapport polyphonie/harmonie se renforce ; ses vingt-quatre sections sont autant de gestes dramatiques, souvent rêches, mais éloquents, si bien agencés entre eux, si nettement typés qu'ils soutiennent l'attention pendant trente-huit minutes. Comme dans les Bagatelles de Webern, on peut y entendre un roman dans un soupir. C'est une réussite complète.
Avec le Quatuor n°3 (1993), Dusapin travaille sur la stabilité, la répétition, les repères, la polarisation. Avec une grande économie, qui l'amène à des solutions très originales. Il joue, en outre, le jeu des quatre mouvements contrastants : le troisième, éthéré et étiré, est le plus remarquable. D'une seule pièce, privilégiant la continuité, le Quatuor n°4 (1997), poursuit dans la même voie : tenues et batteries régulières pour centrer le discours jusqu'à la conclusion qui se balance comme une respiration humaine.
Enfin, le Quatuor n°5, avec son violon solo qui plane dans le suraigu au-dessus des pizzicatos, on croit sentir l'influence des musiques populaires ; l'écriture euphonique, sonore, traversée seulement de quelques terribles coups de griffes, semble toujours posée sur une pédale de dominante pour rester, finalement, en suspens. La suite, sans doute, dans les Quatuors n° 6 et n°7 d'ores et déjà créés.
Le Quatuor Arditti, qui n'a conservé d'origine que son leader, a créé la plupart de ces œuvres ; il en est l’interprète désigné et y a mis autant d'engagement que de soin.Gérard Condé
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Classica, juillet/août 2010, n°124
Michaël Sebaoun
Riche actualité pour le compositeur Pascal Dusapin, avec la parution de deux albums de 2 CD. Le premier réunit ses 5 Quatuors à cordes et un Trio à cordes présentés en chronologie inversée (de 2005 à 1980). Le parcours s'ouvre ainsi sur une esthétique du « beau son » (Quatuors V, IV) présente par exemple dans l'opéra Perelà l'homme de fumée, tandis qu'il s'achève sur une rudesse à la Xenakis ou plus naïvement avantgardiste (Trio), que le jeune compositeur testait aussi dans Fist, Hop, Musique captive, pour ensembles instrumentaux. (…) Michaël Sebaoun
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