Gérard Grisey : Ecrits ou l’invention de la musique spectrale
Rédaction MFA Echo de MFA
C'est sous ce titre que paraît aux éditions MF une ample sélection des écrits de Gérard Grisey, disparu prématurément en 1998.
Compositeur majeur de la seconde moitié du XXe siècle, initiateur du courant de la musique spectrale, Gérard Grisey (1946-1998) a laissé un nombre important d’écrits. Si les textes fondateurs de son esthétique ont pour la plupart été publiés de son vivant, ils sont aujourd’hui épuisés ou difficilement trouvables. Par ailleurs, un grand nombre d’écrits, aujourd’hui archivés à la Fondation Paul Sacher à Bâle, sont restés inédits. En accord avec cette Fondation et Raphaël Grisey, fils de Gérard Grisey, ce volume se propose de réunir l’ensemble des écrits significatifs du compositeur, à l’occasion des dix ans de sa disparition. Ils sont regroupés suivant six grandes catégories : Ecrits sur ses principes de composition, Ecrits sur ses œuvres, Autres écrits et textes de circonstance, Entretiens, Lettres, Pages de journal. Introduit par une préface de Guy Lelong, le volume sera suivi d’un dossier et d’un appareil critique, destiné à présenter l’ensemble des textes ainsi réunis.
Ecrits ou l’invention de la musique spectrale
par Gerard Grisey
Editions MF - 18 x 21 cm - 388 pages - 22 euros - isbn : 978-2-9157-9431-1
Extraits du livre
Écrits sur ses principes de composition
La musique : le devenir des sons
1982
Position
Depuis 1975, émerge une tendance musicale nouvelle dont le noyau est constitué par quelques compositeurs résidant en France et en Allemagne.
Notre principal apport consiste en la liquidation des catégories figées au profit de la Synthèse et de l’Interaction d’une part, et en l’approche d’une adéquation optimale entre le Conceptuel et le Perceptuel d’autre part.
En attendant que des musicologues avisés nous collent une étiquette réductrice et approximative, je propose trois épithètes pour cette musique : Différentielle, parce qu’elle tente d’intégrer toutes les catégories du sonore en révélant leurs qualités individuelles mais en évitant à la fois la hiérarchisation et le nivellement. La différence acceptée, comme fondement, nous permet d’organiser des tensions. La musique est alors le devenir des sons. Liminale, parce qu’elle s’applique à déployer les seuils où s’opèrent les interactions psycho-acoustiques entre les paramètres et à jouer de leurs ambiguïtés. Transitoire, parce qu’elle radicalise, dans un premier temps, le dynamisme du son compris comme un champ de forces et non comme un objet mort et qu’elle vise, dans un second temps, à sublimer le matériau lui-même au profit du pur devenir sonore.
Différentiel
Les termes de dissonance et de consonance appliqués à un intervalle recouvrent tant d’ambiguïté culturelle que les pyscho-acousticiens leur ont substitué d’autres termes : ainsi, le degré de rugosité.
Voilà qui ne change en rien notre affaire. Demeure, en effet, l’existence d’une polarité qui irait de l’intervalle lisse (consonance) à l’intervalle rugueux (dissonance).
La dissonance n’est pas culturelle, c’est un phénomène en soi ; ce qui est culturel, ce sont les attributs qu’on lui confère et l’usage qui s’ensuit. Prenez Webern et interpolez une octave : vous sursautez. En déduire la relativité du phénomène est insuffisant et ce voile pudique jeté sur la réalité acoustique nous a menés à la confusion et à la grisaille atonale.
Bien au contraire si on en déduit la permanence de deux pôles quelles que soient les valeurs que l’usage leur affecte, l’essentiel demeure : organiser des tensions.
En voulant éviter à la fois la “colonisation” tonale et néo-tonale ainsi que le “nivellement” sériel et post-sériel, nous affrontons une notion redoutable : la différence. Notre perception est telle qu’elle compare l’objet qu’elle vient d’appréhender à d’autres objets perçus auparavant ou encore virtuels, c’est-à-dire localisés dans notre mémoire.
La différence ou l’absence de différence qualifie toute perception, nous ordonnons ainsi le perçu non en fonction d’une norme mais en l’insérant dans un réseau relationnel pour en dégager les qualités intrinsèques.
En d’autres termes, le son n’existe qu’en raison de son individualité et cette individualité ne se révèle que dans un contexte qui l’éclaire et lui donne sens.
Je considère donc comme essentiel, pour le compositeur, d’agir non sur le seul matériau mais sur l’espace, sur la différence qui sépare les sons. Accueillir le semblable et le différent comme base même de la composition musicale permet en effet d’éviter deux écueils : la hiérarchie et l’égalitarisme.
Jouer, non plus avec des notes, mais avec la nature même des sons – je dis jouer et non dominer – suppose la connaissance des différentes “races et ethnies” sonores et le respect de leur culture. En premier lieu, il est nécessaire de discerner en chaque son les qualités qui le distinguent de tous les autres et qui, loin de l’isoler, en dégagent la spécificité irremplaçable. Voilà qui rend nécessaire l’étude acoustique. Nous découvrons alors que chaque type de son a pour notre oreille une prégnance définie : ainsi une octave n’aura jamais le même degré de rugosité qu’une tierce ; de même, un son formé de partiels harmoniques n’aura jamais la même prégnance qu’un bruit blanc.
En effet, ce qui est vrai de l’intervalle, l’est aussi du timbre et de la durée. Aux couples consonance-dissonance s’ajoutent ceux constitués par le spectre d’harmoniques et le bruit blanc d’une part et les durées périodiques et apériodiques d’autre part.
Entre ces limites, ces franges de notre perception, donc de notre musique, s’ordonne une infinité de possibles allant du simple au complexe, du probable à l’improbable. Dans ce tissu continu apparaissent des îlots (spectres à composantes harmoniques ou inharmoniques, durées accélérées ou décélérées par exemple), véritables germes de nos formes musicales, dont il sera à nouveau question ultérieurement.
Retenons pour l’instant la possibilité d’organiser cette continuité (en y créant par exemple une échelle discrète d’intervalles non tempérés ou de timbres à composantes inharmoniques) en fonction même des valeurs psycho-acoustiques qu’elle recèle.
Peu importe, dès lors, que tel intervalle ou tel timbre réfèrent culturellement à une musique donnée puisque seule la fonction qu’ils exercent au sein de la forme musicale détermine et justifie leur existence.
[…]
Structuration des timbres dans la musique instrumentale
1991
Introduction
Depuis quelques années, l’électronique nous permet une écoute microphonique du son. L’intérieur même du son, ce qui était caché et occulté par plusieurs siècles de pratiques musicales essentiellement macrophoniques, est enfin livré à notre émerveillement. D’autre part, l’ordinateur nous permet d’aborder des champs de timbres inouïs jusqu’à ce jour et d’en analyser très finement la composition. L’appréhension de ce nouveau champ acoustique encore vierge a rafraîchi notre écoute et déterminé de nouvelles formes ; il est enfin devenu possible d’explorer l’intérieur d’un son en étirant sa durée et de voyager du macrophonique au microphonique à des vitesses variables.
Seules, la synthèse électronique et la synthèse instrumentale nous permettent d’aborder cette dimension nouvelle. Dans la synthèse instrumentale, qui est l’objet de cet essai, c’est l’instrument qui exprime chaque composante du son et, à la différence de la synthèse électronique, ces composantes sont si complexes qu’elles constituent déjà une micro-synthèse. Pour la distinguer de cette dernière, nous appellerons donc macro-synthèse la synthèse instrumentale qui vise à l’élaboration de formes sonores. Ces formes, empruntées à toute l’échelle des possibilités acoustiques depuis le spectre de partiels harmoniques jusqu’au bruit blanc, supposent une écriture utilisant des fréquences non tempérées. Précisons toutefois que celle-ci n’a rien à voir avec l’emploi de quarts ou de tiers de ton qui souvent ne proposent qu’un raffinement du système tempéré.
Ajoutons que l’instrument comme micro-synthèse et source complexe sera utilisé pour ses qualités spécifiques et non pour sa connotation culturelle (les flûtes idylliques, le hautbois champêtre, le cor lointain, etc.). Aussi l’analyse spectrale des instruments (sonagrammes et spectrogrammes) devient-elle le complément indispensable aux traités d’instrumentation désuets qu’utilisent encore les compositeurs du XXème siècle. Tel son de clarinette dont l’harmonique 3 est très saillant ou tel son de trompette dont la sourdine filtre une région de 3000 à 4000 Hz trouveront enfin leur place dans la synthèse instrumentale en raison même de la distribution de leur énergie et non pour colorier une harmonie ou bricoler un joli timbre !
Il serait trop fastidieux pour le lecteur que j’aborde en détail l’aspect technique de cette écriture qui synthétise des spectres complexes, articule leurs transitoires, joue sur les glissements insensibles d’une forme à une autre, souligne les sons résultants, prend les battements comme source rythmique, les filtrages et les déphasages comme source mélodique, pour n’en citer que quelques traits parmi les plus saillants. Retenons de ces multiples traitements que la source instrumentale disparaît au profit d’un timbre synthétique totalement inventé et non donné a priori par les instruments. Le timbre et la hauteur sont donc composés simultanément et l’instrumentation, au sens traditionnel, est lettre morte. Avouons toutefois que nous sommes encore trop balbutiants dans ce nouveau mode d’appréhension de l’instrumental pour pouvoir nous passer tout à fait des béquilles de la tradition !
Qu’on me permette d’insister sur ceci : il s’agit bien ici d’une véritable écriture et non d’un quelconque amalgame de matériaux nouveaux. Malheureusement, cet aspect échappe encore à ceux pour qui l’écriture se lit plus qu’elle ne s’écoute et qui restent persuadés que la note et le contrepoint en restent les fondements immuables. Au début du siècle, nos censeurs auraient certainement opté pour Vincent d’Indy, contre Debussy !
[…]
Vous avez dit Spectral ?
1998
Venue au monde dans les années soixante quinze, curieusement à peu près en même temps que la géométrie fractale, la musique spectrale proposait une organisation formelle et un matériau sonore directement issus de la physique des sons telle que la science et l’accès à la microphonie nous les donnaient alors à découvrir.
Aucun musicien n’a attendu la musique spectrale pour utiliser ou mettre en valeur des spectres sonores pas plus qu’on a attendu le dodécaphonisme pour composer de la musique chromatique mais de même que la série n’est pas affaire de chromatisme, la musique spectrale n’est pas affaire de couleur sonore.
Pour moi, la musique spectrale a une origine temporelle. Elle a été nécessaire à un moment donné de notre histoire pour donner forme à l’exploration d’un temps extrêmement dilaté et pour permettre le contrôle du plus petit degré de changement entre un son et le suivant.
La série a dissocié les paramètres, bousculé les concepts de verticalité et d’horizontalité, d’harmonie et de mélodie. Mais dans la musique sérielle le jeu des permutations fait obstacle à la mémoire, il interdit tout renouvellement radical et toutes les formes de surprises, d’excès et de déviations que le discours tonal proposait à l’écoute.
En somme la musique sérielle neutralise le paramètre des hauteurs mais cette neutralisation involontaire permet la concentration et l’émergence de nouvelles techniques devenues nécessaires pour éviter toute monotonie.
Ainsi, par exemple, de l’hétérophonie à densité harmonique et temporelle variable, du choix de l’instrumentation et des combinaisons de timbres, de l’explosion des registres ou du jeu sur l’ajout et le retrait d’ornements.
Ce qui change radicalement dans la musique spectrale, c’est l’attitude du compositeur face aux faisceaux de forces constituant les sons et face au temps nécessaire à leur émergence. Dès son origine, elle se caractérise par une hypnose de la lenteur et par une véritable obsession de la continuité, du seuil, du transitoire et des formes dynamiques. Elle s’oppose radicalement à un formalisme qui refuserait d’inclure le temps et l’entropie comme les fondements mêmes de toute dimension musicale.
Forte d’une écologie des sons, elle intègre le temps non plus comme une donnée extérieure appliquée à un matériau sonore considéré comme hors-temps, mais comme une donnée constituante du son lui-même. Elle s’efforce de rendre palpable le temps sous la forme “impersonnelle” de durées apparemment fort éloignées du langage mais sans doute proches d’autres rythmes biologiques qu’il nous reste à découvrir. Enfin, c’est le son et sa matière même qui génèrent par projections ou inductions de nouvelles formes musicales.
Pour terminer cette apologie, j’ajouterais volontiers l’érotisme, celui de l’écoute et du jardin des délices, lorsque le plaisir (la délectation aurait dit Poussin) naît d’une adéquation totale entre le corps percevant et l’esprit concevant.
À cause d’une véritable manie de la fusion des sons, n’a-t-on pas été jusqu’à parler de régres¬sion ? ( au sens psychanalytique bien entendu !)
Enfin, ce désir utopique d’un langage musical articulé sur des données scientifiques, rêve toujours renouvelé d’un art-science, apparente les compositeurs inventeurs du spectralisme aux artistes du Quattrocento.
Évaluons rapidement quelques conséquences notoires qui ne concernent pas que les compositeurs spectraux orthodoxes, voire intégristes !
Conséquences harmoniques et timbriques :
• Approche plus “écologique” des timbres, des bruits et des intervalles.
• Intégration de l’harmonie et du timbre au sein d’une même entité.
• Intégration de tous les sons (du bruit blanc au son sinusoïdal).
• Création de nouvelles fonctions harmoniques incluant les notions de complémentari¬tés (acoustiques et non chromatiques) et de hiérarchies des complexités.
• Rétablissement dans un contexte plus ample des notions de consonances-disso¬nances et de modulations.
• Éclatement du système tempéré.
• Établissement de nouvelles échelles et – à terme – réinvention mélodique.
Conséquences temporelles :
• Attitude plus attentive à la phénoménologie de la perception.
• Intégration du temps comme objet même de la forme.
• Exploration d’un temps “étiré” et d’un temps “contracté” différents de celui des rythmes du langage.
• Réactualisation – à terme – d’une métrique souple et exploration des seuils entre rythmes et durées.
• Dialectique possible entre des musiques évoluant dans des temps radicalement différents.
Conséquences formelles :
• Approche plus “organique” de la forme par auto-engendrement des sons.
• Exploration de toutes les formes de fusion et de seuil entre les différents paramètres.
• Jeu possible entre la fusion et la continuité d’une part, et la diffraction et la disconti¬nuité d’autre part.
• Invention du processus opposé au développement traditionnel.
• Utilisation d’archétypes sonores neutres et souples facilitant la perception et la mémo¬risation des processus.
• Superposition, mise en phase ou hors-phase de processus contradictoires, partiels ou même suggérés.
• Superposition, et juxtaposition de formes déroulées dans des temps radicalement dif¬férents.
Vingt ans plus tard, les compositeurs à l’origine de ce mouvement ont évolué vers des horizons bien différents et l’heure n’est plus au terrorisme des utopies.
Cependant, quelque chose de cette formidable aventure les maintient en orbite, loin de tous les retours à des musiques traditionelles plus ou moins bien assimilées, refuges des égarés du voyage, consolations de ceux qui ne sont nés ni pour l’aventure ni pour la découverte quand ce n’est pas simple complaisance médiatique !
Nous avons passé un point de non retour et les conséquences pour les langages musicaux sont suffisamment explicites pour que d’autres générations de compositeurs s’y intéressent.
Il ne nous est pas donné de savoir ce que l’histoire musicale voudra bien retenir de notre che¬minement mais nous avons vécu et nous vivons cette aventure dans le bonheur et l’enthou¬siasme car il n’est pas nécessaire de sombrer dans le passéisme ni dans l’imitation servile de nos illustres prédécesseurs pour rester au service de la musique.
L’aventure spectrale permet de réactualiser sans imitation les fondements de la musique occi¬dentale car elle n’est pas une technique close mais une attitude. Aussi toute idée de rupture avec la tradition musicale me semblera-t-elle toujours illusoire.
L’architecture magnifie l’Espace disait Le Corbusier.
Aujourd’hui comme jadis la musique transfigure le Temps.
Lettres
Lettres à Gérard Zinsstag
Le 18 septembre 1983
Mon cher Gérard,
Très sincèrement je t’admire d’avoir ou de prendre le temps d’écrire une si longue lettre sur une machine qui frappe de si jolis caractères…
[…]
Depuis le 26 août je suis débordé car j’essaie de continuer mon rythme de composition malgré mes cours. Ceux-ci me prennent plus de temps de préparation que l’année dernière : 2ème année d’harmonie et un séminaire sur la musique du XXème siècle pour les “graduate”.
En juillet et août j’ai composé deux pièces pour clarinette contrebasse pour Harry Sparnaay ; ces deux pièces sont dédiées à la mémoire de Claude Vivier et s’intitulent Anubis et Nout.
L’Égypte à nouveau… qui me hante depuis toujours.
Le titre s’est imposé à moi : le dieu à tête de chacal noir qui invente la momification (les Grecs l’ont identifié à Hermès… Dieu des Gémeaux !) et la déesse-mère du soleil dont le long corps nu recouvert d’étoile s’arc-boute quelquefois au-dessus des momies, comme la voûte céleste.
Depuis, je rencontre Anubis partout…
Une amie qui ignore tout de la pièce vient de m’envoyer une carte postale d’un musée de Londres représentant… Anubis ! Il faut dire qu’elle est un peu médium sur les bords !
Depuis septembre je me suis remis courageusement à mes Chants de l’amour. En décembre et janvier je serai à Paris pour commencer la partie de voix synthétique à l’Ircam. (Nous reverrons-nous ?) Je peste toujours de ne pouvoir composer plus vite et j’envie ceux qui, comme toi, ont de la “facilité” ! Peu importe, cette pièce aura de la gueule !…
Mais quelle prétention : vouloir chanter toutes les relations possibles entre hommes et femmes et entre les êtres humains et l’Être inhumain (Dieu ? Monstre ? Machine ?…).
Je suis désolé de tes déboires avec l’Itinéraire. Tu sais que je ne me suis jamais vraiment identifié à ce groupe mais je respecte et j’aime beaucoup Tristan Murail. Je ne sais ce qu’ils font. J’ai quasiment perdu pied…
Ici l’été s’est déroulé sur le plan culturel, comme une mer d’huile. Le calme plat… (bien sûr ! Un festival Mozart par-ci, un opéra par-là). Mais la nature et ce climat favorable – nous avons un merveilleux mois de septembre – m’équilibrent toujours autant. Je ne m’en lasse pas et au mois d’août, j’allais chaque fin d’après-midi me baigner dans un lac qui se situe dans un parc naturel à cinq minutes de chez moi ! J’étais (je suis) beau, bronzé, musclé, etc.
[…]
Si tu peux venir en octobre, téléphone-moi.
Les nouvelles musicales me concernant sont très nombreuses. L’essentiel en Europe : 4 et 5 décembre Festival de Bruxelles : Tempus ex machina, Modulations et Transitoires. En janvier Milan : Transitoires. Paris : Tempus ex machina et aux U.S.A. une dizaine de concerts principalement en Californie, quelques invitations pour des séminaires, etc. Il semble que les Américains s’intéressent à ma musique.
Quant à la France, elle brille par son obstination à ne pas vouloir créer mes dernières pièces ! Je m’y habitue presque.
Bravo pour Donauschingen ! J’ai presque renoncé à Haüsler ; je n’ai plus l’âge des courbettes et bientôt passé celui des lettres…
Mon cher exilé linguistique, j’en suis un autre. Pour moi, être utile à ma société et aux hommes en général c’est composer car je ne suis décidément bon à rien d’autre – si tant est que je peux être utile à quelque chose. J’y trouve mon éthique et la justification morale de mon existence de “parasite”.
Je vous embrasse tous les deux très affectueusement.
Gérard
P.S J’attends cassettes et partitions. Envoie-les à mon adresse universitaire.
Pages de Journal
Fragments Années 1980
1985
14.00 …Voilà, j’ai tout de même bien travaillé mais il n’est pas facile de s’arracher à la pesanteur.
Pesanteur : le mot qui convient à cette journée. Le ciel est si bas ! J’ai des douleurs un peu partout : nostalgique comme si souvent, la vue des déchirures de lumière dans les nuages et là-bas, cette pellicule blanche à l’horizon de la baie me pétrifie.
Le temps passé, glisse, s’insinue, s’effiloche.
La musique fuit, la musique passe. J’essaie d’en cerner à ma mesure quelques palpitations. Pour Épilogue, je relis les schémas de Partiels, Modulations et Transitoires : une vie de travail et de “patience”, comme si je voulais cerner une forme intérieure, l’ossature même de mon âme…
Je jubile : de la grande, de la très grande musique. Après moi, on se demandera pourquoi, comment…
Je jubile : Épilogue, si j’en ai l’énergie, aura une sacrée gueule ! Et puis j’ai mon secret (celui qui me fait sourire comme un Bouddha, clin d’œil malicieux à tous ceux qui entendront cette musique ou qui lorgneront dans mes manuscrits).
Je n’y suis pas pour grand’chose, j’y suis pour… presque rien…
Nous remercions les Éditions MF de nos avoir autorisés à reproduire ces extraits. Aucune partie de cex textes ne peut être reproduite sans l'autorisation écrite de l'éditeur.
Gérard GriseyLe Temps et l’Écume • Les Chants de l’Amour avec : Paulo Alvares, WDR Sinfonieorchester Köln, Schola Heidelberg, Ensemble S, Benjamin Kobler, Walter Nußbaum, Emilio Pomárico, Angelika Schraml, Irene van Dreyke kairos - 2008 - ref : 0012752KAI